Du jus d'orange à mon bébé ?
L'histoire se passe dans une maternité américaine. Les médecins recommandent aux
jeunes accouchées de donner du jus d'orange à la petite cuillère à leurs
nourissons à partir de tel âge.
Or la maternité s'aperçoit que ces conseils ne sont pas suivis malgré qu'en
principe les mamans aient confiance dans le médecin qui les a accouchées et
qu'elles veuillent nourrir leur bébé le mieux possible.
Lewin décide alors de provoquer des réunions. Des groupes de jeunes mères, cinq
à six sont réunis, avec comme thème l'alimentation des nourrissons. Les mamans
sont invitées à poser toutes les questions qu'elles souhaitent sur
l'alimentation de leurs enfants. C'est, bien sûr, l'occasion de leur parler du
fameux jus d'orange.
La maternité constatera, vous l'avez deviné, une bien meilleure efficacité.
En effet, « Rentrée dans sa famille la jeune mère se retrouve dans son
milieu où on lui dit qu'elle n'a jamais bu de jus d'orange quand elle était
petite et que cela n'a pas si mal réussi, que ces innovations sont dangereuses,
que le bébé est trop petit, etc. Elle a donc à résister à des pressions. Et il
est évident que l'on résiste différemment à des pressions selon que l'on a une
conviction individuelle, finalement fragile, ou que l'on a l'impression de faire
partie d'un groupe de jeunes mères à la pointe du progrès et connaissant les
dernières découvertes de la science moderne. Si les gens ont peur de changer,
c'est parce qu'ils ne veulent pas transgresser une norme de groupe ; si
l'on crée un nouveau groupe avec des nouvelles normes de groupe, on facilite aux
individus le changement. » [d'après Henri Mendras, Éléments de
sociologie, Armand Colin].