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Concepts de la qualité, concepts de management

Perspective historique

Certaines personnes qui sont à l'origine des concepts modernes de la qualité et celles qui sont à l'origine de la critique du taylorisme ont travaillé ensemble dans les mêmes usines. Ce n'est pas un hasard.
C'est ainsi que Juran à travaillé à l'usine d'Hawthorne dans les années 20 et 30, là même où Elton Mayo développa la célèbre expérience fondatrice de l'école des relations humaines.
Il est d'ailleurs amusant de constater que, selon les ouvrages, la hausse considérable de la productivité de l'usine est attribuée soit à Mayo, soit à Juran...
Aujourd'hui, lorsqu'on lit la norme ISO 9000 version 2000 on constate que la mise en place des moyens permettant de répondre à la norme relève beaucoup plus du management que de la technique. Quelques exemples.

Processus

L'ISO 9000 utilise le concept clé de processus. Dans cette acception, un processus est une activité en boucle qui part du client et qui se termine au client. Simultanément, on définit la notion de données d'entrée et de données de sortie qui caractérisent le début et la fin du processus.

Ensuite, on peut décomposer les processus en sous-processus qui s'enchaînent selon la logique que les données de sortie de l'un, enrichies d'une valeur ajoutée, deviennent les données d'entrée de l'autre.

Ce type de description ressemble furieusement à un organigramme fonctionnel lorsqu'on y rajoute les documents, les durées et les individus concernés par le processus :

Extrait d'un flugramme du système qualité du CFP

Précisons d'emblée qu'il ne s'agit pas, au travers de ce type de document, d'établir un processus idéal mais de décrire le fonctionnement effectif, réel du processus.

La différence entre ce mode de description de l'entreprise et l'organigramme hiérarchique, c'est que l'organigramme hiéarchique représente le fonctionnement formel* de l'entreprise alors que le flugramme représente le fonctionnement réel.

Dans les outils typiques du manager, on trouve le diagramme des flux d'informations entre les diverses composantes de l'entreprise. Le balayeur peut parfaitement avoir à communiquer avec la secrétaire quoiqu'ils soient sur des lignes hiérarchiques différentes. Si on essaie de tracer les flux d'informations entre les individus, on se trouve alors face à un sociogramme (cf. dynamique des groupes restreints) qui décrit les interactions de groupe au sens sociologique du terme.
Autrement dit, le flugramme que la norme ISO réclame est, avant tout, une manière de décrire le fonctionnement effectif de l'entreprise. Le manager qui doit connaître les interactions réelles entre les services et les individus trouve là un outil tout à fait pertinent.


* ce n'est pas une raison pour se dispenser de le tracer...

Processus sous contrôle

Autre concept de la qualité, celui de processus sous contrôle.
On dit qu'un processus est sous contrôle lorsque les facteurs influant sur le résultat et les actions pour modifier le résultat de la mesure qualité sont connues et éprouvées. Ouille ! Qu'est-ce que ça veut dire ?
Cela signifie que le système décrit par les statistiques est stable. Il est donc prévisible et permet de faire des anticipations rationnelles (concept clé en économie). Á un système stable est associé un corpus de causes stables dont, par définition, la variation entraîne des modifications prévisibles. Autrement dit un système ne peut être sous contrôle que s'il est stable, i.e. qu'il est associé à des causes dont les variations entraînent des résultats prévisibles. C'est la seule possibilité qu'on a de savoir si un signal statistique donné est hors ou à l'intérieur de limites de contrôle. En effet la notion de limite de contrôle (par exemple, 95% ou 3 sigma) ne peuvent se calculer que sur des processus stables.
Ce concept est important car il n'est pas possible de pratiquer le management de la qualité dans des systèmes non-stables. En effet, toute action, si elle n'est pas correlée à un système prévisible, donnera des résultats aléatoires (fonction du hasard).
Ce concept peut se retrouver en management pur. Un manager qui tente des actions sans avoir la moindre idée des résultats se comporte comme un apprenti-sorcier. Il peut, bien évidemment, formuler des hypothèses, mais l'expérimentation, en situation professionnelle est dangereuse et éthiquement discutable. Le manager averti tentera donc d'avoir un management dont les processus sont sous contrôle".
Mais quelles sont les caractéristiques d'un processus sous contrôle en matière de relations humaines ? Comme il n'est pas question d'avoir une batterie statistiques similaire à celle des processus physiques (taux de rebut...) on considérera qu'un processus managérial est « sous contrôle » lorsqu'on est capable d'identifier les causes humaines dans le corpus des causes du système stable.
Un exemple. La stabilité d'un processus de production est notamment lié à la sincérité des contrôles qualité. Pour assurer cela, on met en place un système d'organisation du travail ; si on constate, comme c'est souvent le cas, que la sincérité des contrôles est mauvaise (fiches remplies « au pif » sans contrôle physique...), on a identifié une cause humaine aux variations du système. Si une nouvelle organisation du travail entraîne une meilleure sincérité des contrôles, on aura un processus plus variable (en général les contrôles bidons donnent des processus faussement conformes) mais plus stable et par conséquent plus susceptible d'être sous contrôle.
ATTENTION : on oublie beaucoup trop souvent qu'un système fortement variable peut être parfaitement stable. Á l'inverse un processus peu variable n'est pas nécessairement stable et sous contrôle si ses variations sont dues à des causes spéciales (terminologie de Deming) qu'on ne sait pas qualifier.

Pilote de processus, Management participatif

Exemples de bons conseils donnés pour la mise en place d'un processus de gestion de la qualité :
Dans une approche processus, il est nécessaire de désigner des responsables de processus, qui ont pour mission de régler (et prévenir) les problèmes potentiels de circulation de l'information entre les différentes entités concernées par le résultat global.
Dans une approche processus, il est nécessaire d'user d'un style de management participatif, avec création de groupes transversaux pour l'analyse des problèmes et la prise de décisions collectives.
Bien, mais que décrit tout cela ? Et bien tout simplement le profil d'un manager qui gère et communique...
Autrement dit, dans l'ISO 9000 version 2000, le pilote de processus n'est pas un individu obsédé par le contrôle ou un métrologue de choc, mais un véritable manager.
Pour vous en convaincre, lisez ceci, extrait d'un fascicule diffusé par la Délégation Interministérielle à la Réforme de l'État :

« Pilotage du "portefeuille de processus"
L'ensemble d'une entité peut décider de s'organiser totalement par processus. Dans ce cas, les organigrammes verticaux disparaissent au profit d'une organisation plus transversale, tournée vers ses bénéficiaires et structurée selon ses principales productions.
Ce schéma est de plus en plus suivi par les entreprises industrielles mais aussi par les grands prestataires de services privés. Cela suppose néanmoins plusieurs précautions :

Pilotage par subsidiarité
Le développement de la logique processus a en général comme effet induit de renforcer la délégation des activités et la responsabilité des acteurs.
La formalisation précise d'un processus donne en effet un cadre structurant et partagé dans lequel les fonctions sont bien définies. Il devient alors possible à un pilote de processus d'identifier les parties du processus dont il peut confier la responsabilité (du bon fonctionnement et du suivi efficace) à d'autres acteurs. Cela est d'autant plus facile que les compétences et indicateurs présents sur le processus seront identifiés.
L'organisation par processus devient ainsi une opportunité pour les responsables hiérarchiques de se centrer sur les éléments clés de pilotage, à leur niveau, en déléguant à d'autres acteurs les éléments subsidiaires. »

N'avez-vous pas l'impression de lire un manuel de management ?

Écoute client

Autre concept clé de l'ISO 9000 version 2000, l'écoute client. Est-ce de la qualité ou du marketing ?
Avec dépit, on constate trop souvent que l'écoute client est le parent pauvre du management par la qualité. Qui est réellement capable, dans une organisation du travail, de savoir réellement à quoi servent les limites de contrôle établies par le service concerné ?
D'expérience, la plupart des opérateurs à qui l'on donne des obligations d'auto-contrôle ne sont en mesure d'expliquer pourquoi ils font ce qu'on exige d'eux. Cette incompréhension est la source de défaut qualité qui sont pourtant évitables.
Exemple vécu. Il s'agit d'une entreprise qui fabrique des seringues à usage médical. Comme partout, la direction essaie d'améliorer la qualité de sa production. Pour cela, elle affrête un car qui emmène les opératrices dans un hôpital où elles sont reçues par des infirmières. Ces dernières expliquent que le problème qui se pose à elles est qu'une seringue dont le piston coulisse mal nécessite qu'on force pour l'enfoncer. L'aiguille à donc tendance à « labourer » le bras du patient...
L'exemple a suffisamment frappé les esprits pour que, retour dans l'atelier, on constate une hausse spectaculaire du taux de qualité !

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